Nous apprécions tous de vivre dans l'ignorance de cette fin inéluctable et la plupart du temps nous évitons d'y penser car la mort reste un sujet tabou. Cet état d'esprit génère plusieurs catégories d'humains : les insatisfaits du quotidien, les mélancoliques regrettant le passé ou se servant de leur passé pour se faire plaindre et les inquiets qui préparent en permanence leur avenir.
Il y a parfois dans certains chemins de vie des moments ou nous sommes involontairement confrontés à la mort et bien que ce face à face soit difficile, il conduit certains d'entre nous à déployer des vertus que l'on ne soupçonnait pas. Et lorsqu'on parvient à trouver la force d'affronter la mort, on se retrouve à jamais changé.
La mort est une étape de la vie aussi paradoxal que cela puisse paraître. Il est inutile de la nier, nous sommes fait de chair et de sang et nous sommes tous mortels, c'est ainsi.
Mon second fils est décédé ce 19 juin 2015 et depuis je considère cette date comme l'instant T : j'ai vécu une vie avant et je vis une autre vie depuis. Cette seconde existence, si difficile soit elle, n'est pas toujours empreinte de chagrin même s'il est toujours présent au fond de moi. J'ai plus que jamais pris conscience de l'infini fragilité de la Vie, ce qui me permet, au quotidien, de profiter pleinement de chaque instant.
Je me suis détachée de tout ce qui est matériel, les choses se remplacent, pas les êtres vivants car chaque vie est unique. Quand on a conscience de cela, on apprécie davantage d'être en vie et on prend le temps d'observer les belles choses et on arrive même à s'extasier devant des choses simples que l'on n'aurait pas remarqué auparavant.
Prendre le temps, c'est bien ça la clé de la vie car quand on ne prend pas le temps on risque de passer à côté de sa vie, on risque de ne pas comprendre pourquoi on est ici et on risque de ne pas trouver notre chemin de vie.
Certains appellent cela une remise en question, moi je dis que c'est tout simplement une prise de conscience.
Nous vivons toutes sortes d'expériences au cours de nos vies et chacune d'elles est là pour nous faire progresser. Les erreurs du passé nous permettent d'avancer et les moments douloureux nous font parfois changer de direction.
Le cancer m'a emmené vers d'autres choix de vie et je les ai pris comme des opportunités de vivre différemment.
La perte de mon enfant est insupportable, cruelle, injuste mais c'est un fait que je ne peux pas changer. Je me sens souvent profondément seule avec ce malheur mais je refuse de rester à attendre que le temps passe et qu'il apaise mon chagrin. Il faut laisser le temps au temps ou le temps fait bien les choses diront certains, ce ne sont que des mots, rien n'apaise la perte d'un être cher. Je me souviens d'une dame âgée qui des années après le décès de son enfant souffrait toujours quotidiennement du même chagrin. Ma grand-mère paternelle avait, tout comme moi, perdu un fils et les années n'ont jamais atténué sa peine. Je sais que moi aussi je dois vivre avec cela, c'est la plus grande épreuve de ma vie et je dois m'en accommoder.
Je ne choisis pas de m'endurcir car je reste sensible aux belles choses, à l'amitié, à l'amour mais je me suis forgée une armure solide pour affronter la vie qui n'est pas toujours un long fleuve tranquille.
La vie s'écoule vite, tout va vite de nos jours, tout change vite, tout passe vite, l'été s'éteint pour laisser la place à l'automne, la rentrée des classes fait place aux vacances, on reprend son train train quotidien, on pense déjà aux prochains congés, Noël sera bientôt dans les esprits , une actualité en chasse une autre, la mode change tout le temps, on se lasse vite d'une chanson, on se lasse vite des objets...
Dans ce monde ou tout va si vite, on banalise aussi beaucoup, les catastrophes naturelles, les guerres, les épreuves de vie, les maladies. On prend l'habitude de dire "c'est comme ça " y a plus grave ", on en devient presque insensible tant les drames autour de nous se succèdent. Tant qu'on n'a pas éprouvé un drame, on a des difficultés à comprendre, certains ne se sentent pas concerné car la vie les a épargnés ou ne veulent pas se sentir concerné car pensent à tort qu'aucun drame ne traversera leur existence. C'est très restrictif de penser ainsi car aucun de nous n'est a l'abri, il suffit parfois de quelques secondes pour qu'un vie bascule à tout jamais.
Durant l'année de traitements de TEO, j'ai entendu beaucoup et on m'a aussi rapporté beaucoup. Il y a eu énormément de soutien, de manifestations chaleureuses, d'aides quotidiennes, de petits mots, c'est dans ces moments là que l'on se rend compte qu'il y a beaucoup de belles personnes, qu'il y a de la générosité, qu'il y a des associations qu'on médiatise peu mais qui font énormément pour tous ceux qui ont perdu la Santé ou qui se trouvent dans le besoin.
Il y a aussi eu ceux qui jugent et je reste interloquée par certains qui demandaient " mais n'en fait on pas un peu trop pour ce gamin ? Poser déjà une telle question dénote d'un état d'esprit défavorable à la générosité. A ceux là je répond par des questions, Qu'est ce qui vous dérange ? Que certains ont eu envie d'aider un enfant malade à mieux vivre son quotidien sachant que ses jours étaient comptés ? Qu'il y a d'autres enfants à aider, d'autres causes à défendre ? Et vous qui avez vous aidé dans votre vie concrètement ? Il vaut mieux apporter son aide à une seule personne que de ne rien faire du tout pour l'humanité. C'est une goutte d'eau dans la marre mais si chacun de nous aide une seule personne ce sera déjà ça.
Vous avez soutenu CHARLIE, vous êtes touchés par le sort des SDF en hiver, celui des réfugiés politiques, c'est bien mais dites vous que ce sont les médias qui influence vos opinions et comme dirait miss ROUMANOFF , on ne nous dit pas tout ! Et vous savez pourquoi ? Et bien parce tous les sujets ne font pas audience ou sont tabous; le cancer ne fait pas audience, le cancer des enfants encore moins.
Il y a tellement de personnes qui souffrent d'un cancer aujourd'hui que l'on banalise aussi cette maladie mais au fond savez vous ce qu'est le quotidien d'un malade ? Je vous invite à venir passer quelques jours entre les murs des unités de soins et à partager la vie au domicile des malades. Je pense que vous saisirez ensuite pourquoi je reste interloquée quand j'entends dire " mais n'en fait on pas trop pour ce gamin ? ".
TEO nous a quitté après un an de dur combat, d'opérations douloureuses , de traitements lourds, de peurs, d'angoisse, de pleurs, de changements physiques mais il est resté digne, courageux, rieur jusqu'à son dernier souffle de vie. Je remercie toutes celles et ceux qui ont amélioré son quotidien. Ma famille a toujours été présente. Les isabelles , Sabine , Stéphane, Bruno, Morgane, Carole, Fabienne, Magali, Sébastien, Jérémy et j'en oublie tant, vous êtes toutes et tous formidables, continuez à faire de même autour de vous.
Ma chère amie Isabelle, grâce à toi, TEO est devenu un joli papillon que tout le monde continue à suivre. Cela a généré un élan de solidarité immense et toute ma commune s'est ralliée au mouvement des papillons quelques jours avant le départ de TEO en nous amenant à la maison des dizaines de papillons confectionnés en papier, carton, bois comme messages de soutien.
Je voulais un ciel bleu pour TEO...TEO a trouvé son ciel bleu un beau matin de juin en nous quittant.
La mission que je m'étais donné en créant ce blog est achevée, ma vie, elle, a pris un nouveau chemin vers lequel TEO m'a guidé.
Je laisse à présent voler les papillons dans le ciel et je commence un nouvelle histoire dans laquelle il y a le Maroc, des tee shirts, des jolis bouquets de fleurs et surtout et toujours avec moi un petit garçon exceptionnel.
AU REVOIR