jeudi 6 août 2015

RESTE




- Maman ça fait comment quand on est mort ?
- Et bien c'est comme quand tu dors, sauf que le lendemain matin tu ne te réveilles pas
- Ah d'accord...et tu crois qu'on rêve quand on est mort ?
- Je ne peux pas te répondre car pour le savoir il faut être mort vois-tu !
- Tu crois qu'il y a un autre endroit comme la terre ou on va quand on est mort ?
- Je pense que oui et j'espère car je ne peux pas imaginer que la vie se limite simplement à celle que nous avons ici sur Terre
- Alors quand je serai mort je vais retrouver ma Tata et mon chat Pompon alors ?
- J'en suis sure
- Tu vois maman mon corps c'est juste une enveloppe et à l'intérieur il y a mon esprit qui va sortir quand je vais partir
Il regardait le ciel à travers la vitre de la voiture avec un petit air songeur, l'esprit loin d'ici dans les étoiles. Il avait sans doute raison , ce corps malade n'était en fait qu'un enveloppe.

Il me fascinait par l'attirance qu'il avait pour les documentaires de toutes sortes et plus particulièrement la vulcanologie, l'astronomie, l'histoire, les monuments, l'architecture moderne.
Il aimait les films à sensation , la science fiction... nous étions allés voir un film magique, Interstellar.
Il avait aimé passionnément la musique de ce film puissant et émouvant. Il se l'écoutait régulièrement et en l'écoutant maintenant j'arrive à imaginer ce qu'il ressentait alors.
J'avais souvent l'impression qu'il n'était pas d'ici, qu'il était plus âgé que moi dans sa façon si spontané qu'il avait de me conseiller ou même de me remettre en place aussi !
Il m'a appris le courage, l'humilité, l'humanité, la solidarité. Il était charismatique mais ça ne lui montait aucunement à la tête; tout ce qu'il faisait ou disait l'était dans la plus grande simplicité et surtout il aimait rire, il était farceur et avait beaucoup d'humour.
Je voulais qu'il reste mais il m'avait dit qu'il avait bien assez vécu,vu et entendu beaucoup de choses ici bas et qu'il pouvait partir. Je pensais qu'a peine 10 ans de vie n'était pas suffisant, qu'il était trop tôt mais finalement nous avions fait en sorte de l'ouvrir au monde du mieux que nous pouvions et aussi intensément que possible alors que beaucoup de personnes arrivées à l'âge de la retraite n'ont pas eu l'occasion de voyager, ont résidé leur vie durant au même endroit, ont occupé le même emploi exécutant les mêmes tâches des années durant, n'ont pas voulu ou pas pu ouvrir leur esprit aux Arts.

Qu'est que le temps finalement ?
Un invention et une notion humaine qui conditionne notre vie à tout instant : le temps s'accélère quand on a peur d'être en retard au travail, peur de louper son train, peur du temps qui passe trop vite car peur de vieillir, peur de ne pas arriver à tout faire et à l'inverse l'impatience, l'attente interminable car le temps se rallonge quand on attend de revoir un amoureux ou une amoureuse, quand on s'ennuie, quand on attend un heureux évènement, quand on attend ses vacances...

Vivre 10 ans , 50 ou 100 ans n'est pas si important en soi le tout est de ne pas vivre pour rien ou de ne pas passer à côté de sa vie : la vie doit être vécu intensément chaque jour,chaque heure, chaque minute, en fonction de ce que nous faisons. Il faut prendre du plaisir à vivre, ne pas vivre dans le passé ni le futur mais bien dans l'instant présent, car c'est ici et maintenant que nous faisons notre vie. Il faut pour cela être conscient de la fragilité de notre vie qui, en l'espace d'un court instant, peut s'arrêter brusquement, définitivement. La mort, souvent tabou, masquée, refoulée, ignorée fait pourtant bien partie de la vie, aussi étrange que cela puisse paraître. C'est en prenant conscience que nous sommes mortels que nous pouvons le mieux apprécier la valeur la vie.

Je voulais qu'il reste, mais je voulais qu'il reste pour moi, pour ne pas le perdre, pour ne pas affronter le chagrin mais parce que je l' aimais tant je lui ai dit qu'il pouvait partir car il avait bien assez souffert ici et qu'il méritait le bien-être et la paix.
Il est parti un matin,un léger sourire aux lèvres, les yeux plein de grâce et d'apaisement.
Il a surement retrouver sa tata, son chat et surement d'autres.
Je le rejoindrai moi aussi, un jour, quand il sera temps, quand ce sera mon temps, quand j'aurai réalisé tous mes projets, quand ma mission sera arrivée à son terme.
- Maman ?
- Oui ? Qu'y a t-il ?
- Je t'aime, tu sais !
- Mais moi aussi je t'aime mon chéri
Je refermais ainsi la porte de sa chambre, le soir venu.

Je me souviens de toi et de cette magnifique musique

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